La truffe pour le cuisinier

La truffe, pour un cuisinier, c'est un parfum, un arôme, un goût, un met en soi, un adjuvant puissant. C'est un des produits les plus précieux et les plus nobles et absolument naturels que peut produire la terre. Mais attention, avec un tel joyau il faut de l'humilité. Certes la truffe parfume les produits avec lesquels elle est en relation, que ce soit les habits du rabassier ou les oeufs à travers leurs coquilles, mais ça n'est pas une raison pour la mettre à toutes les sauces, ni pour en saupoudrer les plats ratés. Il y a des incompatibilités de nature et de saison qu'il faut respecter. Il y a des accords privilégiés, des harmonies à explorer, à découvrir, à connaître, à intensifier. La truffe par son coté mystérieux incline à la recherche et comme toute précieuse gemme porte en elle le danger de sophistication prétentieuse. Il faut beaucoup de travail mais il faut entourer celui-ci de sobriété pour que le gourmand ait encore des choses à découvrir et qu'il puisse enfin se livrer à ce rite de contentement au dessus du plat où la truffe est en oeuvre.

La truffe depuis que l'homme cuisine a été quasiment sacralisée et parée de sulfureuses possibilités. Comme tout ce qui est sacralisé et mystérieux, elle a créé autour d'elle de bien curieux rituels et de savoureuses manières. Il y a le marché où la truffe se vend ou plutôt s'échange entre connaisseurs contre de l'argent. Il est de bon ton de ne pas avoir l'air de vouloir acheter, il est aussi de bon ton d'avoir l'air de ne pas vouloir vendre : "Cette année, il y en a pas !". Il y en a jamais depuis 100 ans et plus... Plus un produit est rare plus il est cher, plus est adroit, habile et savant celui qui en a trouvé en dépit de tous les mauvais sorts qui se sont abattus sur la région ; plus encore l'acheteur a de la chance de s'être adressé au bon rabassier.

Et il y a le prix, le cours du marché, comme à la corbeille de la bourse. Qui le fixe ? Nul ne le sait ! Le bouche à oreille et la rumeur sont pour beaucoup dans la cotation de ce "Cac 40 spécial rabasse". Mais le prix c'est le prix. On marchande l'un à la baisse, l'autre à la hausse, on se met d'accord et on ne varie plus.

Une fois, était venu au restaurant un courtier ; nous nous connaissions depuis longtemps. On finit par se mettre d'accord sur la chose et sur le prix et la vente est conclue. On pèse, on calcule. Le prix dépassait de 2,28 Euros (15 francs) une somme ronde. Je lui dis : "On arrondit ?", "Pas question !". Pendant plus d'une demi-heure on a discuté. Il n'a pas voulu me faire de rabais de 2,28 Euros. j'ai abandonné et on a bu le champagne pour fêter la transaction. Il a payé le champagne 18,29 Euros (120 francs) avec le sourire mais il ne m'avait pas fait cadeau de cinq grammes ou même d'un gramme de truffes. Et ils sont tous comme ça. Généreux de leurs sous pour marquer l'amitié, mais avares et secrets de leur satanée rabasse.

La truffe, c'est encore 4.000 ans de gourmandise depuis les Sumériens et quelques années d'excommunication à cause de sa réputation aphrodisiaque. Sa chair noire, cette réputation de stimulant amoureux, les mystères de son apparition dans le sol lui valurent parfois d'être considérée comme la concrétion de l'âme des damnés noircie par leurs pêchés.

Les truffes, disait-on en Provence, sont "pu negros que l'amo d'un danna" (plus noir que l'âme d'un damné).

la truffe est elle aphrodisiaque ? Prédispose-t-elle à la relation amoureuse ? Les avis sont partagés. À ce propos, voici une étrange histoire1 qui se racontait encore du côté de Roumoules (Alpes de Haute Provence) il y a une trentaine d'années avant que l'on déboise, avant que l'on érige, avant que l'on inonde.

1 : Le conte du septique et de caveur de truffe.


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